Le rire de Sisyphe

Sep 09, 2024

Nous avons choisi Sisyphe comme emblème de nos vies absurdes, de nos efforts répétitifs et vains, de nos journées sans surprise et sans joie.

Quand nous sortons de chez nous pour refaire un trajet identique et retrouver des visages trop connus, nous soupirons avec le malheureux poussant son bloc de pierre.

Et si nous nous trompions totalement ?

Sisyphe, c’est celui qui réussit à confondre et à punir le fils d’Hermès qui lui volait ses bêtes, qui obtient une source éternelle en trahissant Zeus, et qui échappe deux fois à la mort, la première en lui passant les menottes, et la seconde en prétendant devoir organiser lui-même ses funérailles.

Avec un tel casier, pousser des cailloux ne semble finalement pas cher payé !  

Prométhée ne s’est opposé qu’une seule fois aux dieux, en volant le feu pour les humains. Une seule erreur, même pas à son profit, et il finit enchaîné à une paroi où chaque jour un aigle vient lui dévorer le foie.

Et si, caché derrière son rocher, Sisyphe était hilare ?

Chaque jour il pouffe en pensant à ce tour joué aux dieux.

Pendant sa lente montée – on lui a ordonné de pousser, pas de cavaler – il regarde les fleurs sur le bord du chemin et il raconte des histoires aux lapins.

Tout le monde pense à la montée mais lui n’oublie pas la descente, cette balade tranquille où il respire au large en profitant du paysage et des amis venus lui tenir compagnie.

C’est toujours la même route, mais jamais la même lumière, et il a pris goût à la regarder.

Il a décidé que la vie n’est pas une souffrance, mais un jeu perpétuel.

Quelquefois, arrivé au sommet, la pierre se coince. Alors il éclate de rire et il lui met un bon coup de pied pour qu’elle redescende.

Chaque fois que j’aurai l’impression d’être écrasé sous le poids du quotidien, et que je me plaindrai que rien ne change, je repenserai au rire de Sisyphe.

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