Le piège de l’ironie

J’ai plusieurs fois rencontré des équipes dans lesquelles les échanges étaient très souvent, voire presque constamment, ironiques. « Ah, t’es là ? T’as trouvé le chemin de ta douche ce matin ? Ah, ah, ah… » « Il fait beau, fais attention aux coups de soleil le Lillois, tu sais pas trop ce que c’est, toi, le soleil ! Ah, ah, ah… » « Attention à vos blagues, y a une fille dans le groupe ! Ah, ah, ah… »

A chaque fois, je confronte ces comportements, en rappelant la différence entre l’humour (la blague nous met à égale valeur), l’ironie (la cible a moins de valeur que l’auteur de la blague), et l’auto-dérision (je suis la cible en négatif de mes blagues, vous avez tous plus de valeur que moi).

Je rappelle qu’ils se sont tous engagés à la bienveillance au démarrage de la session, ce qui signifie qu’il est interdit d’avoir une phrase ou un comportement qui mette quelqu’un (qui que ce soit) en négatif. Et j’annonce que si ces blagues ironiques ou en auto-dérision continuent, j’arrête la formation. 

Autant vous dire que je n’ai en général pas un énorme succès. Certains me reprochent de « ne pas avoir d’humour » (je leur refais les trois définitions), et/ou me disent qu’ils ont « toujours fait comme ça » (je leur dis que la règle ne concerne que le séminaire, et qu’ils sont libres de recommencer ensuite).

Ensuite, l’ambiance est toujours beaucoup plus souriante, détendue, apaisée. Et à chaque fois un ou plusieurs membres du groupe viennent me voir à la pause pour me remercier d’avoir mis des règles, d’avoir demandé l’engagement de tous, et d’avoir confronté les comportements rabaissants.

Si vous aussi vous voyez des équipes où l’on se « pique » voire où l’on se « mord », obligez-les à revenir à des signes de reconnaissance en « OK/OK », où l’on se dit des choses positives ou négatives, mais sans jamais rabaisser qui que ce soit.

Malheureusement, beaucoup de nos contemporains pensent que la seule manière de se parler c’est avec un sourire qui montre les dents, ou en se roulant par terre en position de soumission.