L’authenticité inutile

J’ai un vrai problème avec l’« authenticité » prônée en matière de communication en général, de « personal branding » sur les réseaux, et de plus en plus dans les relations professionnelles.  

Ma conviction d’ancien comédien, c’est que pour être juste dans un rôle, il faut évidemment partir de soi, mais n’utiliser que ce qui sert le rôle. Si je dois jouer Othello, je vais utiliser ce qui dans ma vie me permet de comprendre, intellectuellement et émotionnellement, ses transes de jalousie. Mais le public attend que je joue le texte de Shakespeare, et la situation d’une cour princière. Pas que je lui raconte mes histoires… 

Sous prétexte qu’il ne faut pas porter de masque (je suis d’accord), on en arrive à vouloir tout montrer - et cela finit par sonner faux.

L’ouverture sur l’intime a sa place dans une relation amicale, ou amoureuse, parfois en coaching, évidemment en thérapie, pas dans une relation professionnelle. Sauf si c’est un choix réfléchi, jugé utile à l’atteinte d’un objectif professionnel. 

Quand j’anime une formation, ou que je suis en session de coaching, les personnes en face de moi veulent que je sois préparé, complètement présent avec eux, et en énergie positive. Je dois me concentrer en amont pour que mes difficultés personnelles éventuelles ne viennent pas perturber notre travail. Et je peux parfois partager une anecdote personnelle, pour illustrer un point, aider une prise de conscience. Mais ce sera toujours au service du processus, pas pour être « authentique »...

Je ne crois pas qu’un manager verra sa position renforcée parce qu’il décrit ses problèmes personnels aux membres de son équipe. En revanche, il peut être utile qu’il parle ouvertement de ses émotions – par exemple de son angoisse face à un obstacle sur un nouveau marché, ou de sa colère contre tel ou tel comportement inapproprié. D’autres pourront en faire de même, et ce sera précieux pour la mise en place de plans d’action collectifs.

Le « lâcher-prise » a bon dos.