« Je ME suis débordée »

Oct 18, 2024

Nous ne sommes pas débordés, nous NOUS chargeons de mille et une tâches. Courir et jongler toute la journée, être épuisé, et se plaindre l’air navré sont devenus des marqueurs sociaux : nous faisons ça pour être considérés par nos pairs, appartenir au groupe des gens « sérieux ».

Depuis les débuts de la révolution industrielle, la productivité d’un travailleur est mesurée en fonction de la quantité de tâches exécutées plus que par la qualité de ses créations finales. La révolution numérique a amplifié le phénomène : la puissance d’un processeur, c’est-à-dire le nombre d’opérations effectuées par seconde, est devenue le symbole du progrès, bien plus que la nouveauté ou la justesse du résultat.

Nous avons donc commencé à mesurer notre importance dans ce nouveau monde du travail par la longueur de nos to-do lists, la densité de nos agendas, le nombre de messages échangés. Et pour valider ça socialement, nous échangeons des « je suis BIEN pris », « les journées sont BIEN pleines », « on ne peut pas dire que je m’ennuie ».

La peur ultime : être considéré comme un paresseux, une bonne-à-rien, tout juste bon à s’ennuyer. Pour éviter d’être vu comme des outsiders, qui risquent d’être bannis du groupe, nous acceptons les projets copies carbone des précédents, avec la même rassurante stérilité. Et nous nous plaignons en chœur pour garantir notre place dans la roue du hamster.

Finalement tout ceci serait ok si les conséquences invisibles n’étaient pas si graves : nous nous interdisons ce qui fait notre humanité profonde. La prise d’initiative et de risques, le pas de côté ou en arrière, la prise de décision et de responsabilité, la créativité, la curiosité, le désir et la joie.

Il est possible de garder des liens profonds, chaleureux et intenses avec les autres en renonçant au status quo.

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