Comment réussir un entretien d’embauche avec un minimum d’efforts
Feb 25, 2023Cette semaine, j’avais prévu de vous parler du rapport entre créativité, rigolade et marche à pied. Mais ce sera pour la prochaine chronique, parce que je viens de recevoir un message d’une personne qui a appliqué ma méthode de communication pour décrocher le job de ses rêves.
J’ai travaillé avec Géraldine il y a quelque temps sur des sujets d’efficacité commerciale. C’était une des stagiaires les plus impliquées dans la mise en pratique immédiate, dans les débriefings, dans les trainings en groupe ou en individuel. Elle avait eu l’occasion de me décrire ses succès sur le terrain, mais je ne m’attendais pas du tout à ce qu’elle l’utilise aussi dans un entretien aussi important pour elle !
Avec son autorisation, je vous mets ci-dessous son récit, que j’ai modifié uniquement pour le rendre anonyme. Et je vous retrouve ensuite pour vous dire en quoi ce récit est exemplaire.
« Bonjour Aurélien,
Je quitte X pour aller chez Y. Pour ce poste chez Y, on est venu me chercher car je ne cherchais pas à partir, étant plutôt au vert chez X. Néanmoins j’avais toujours dit que si on venait me chercher pour ce secteur j’écouterais et c’est ce qui s’est passé. Alors je reste logique avec moi-même, d’autant, bien sûr, que la proposition était belle.
Et je voulais te partager mes entretiens Y avant mon départ, car cette nouvelle prise de poste tu y es pour quelque chose 😉
Je m’explique : voilà comment j’ai abordé les entretiens, à la Daudet bien sûr !
Premier entretien : manager + responsable talent acquisition.
Ils se présentent et ensuite me demandent de leur présenter mon CV. Ce à quoi je leur dis :
– J’ai tendance à être bavarde et j’imagine que vous n’avez pas la journée, alors pour être plus efficace et répondre à vos attentes, permettez moi une question avant de commencer ?
– OK
– Quel est pour vous le profil de la candidate idéale ?La fiche de poste, je l’ai lue, mais ce qui m’intéresse c’est vous !
– Ah ouais, ok, on peut commencer comme ca.Le manager me dit ce qu’il recherche et une fois fait je me dirige vers l’autre personne et je lui dis :
– Et vous il y a autre chose ?
Elle me répond et je prends tout en note.
Je leur dis que mon objectif est donc, au travers de mon CV, de les convaincre que je suis la candidate idéale.
De là je leur donne mon histoire et à chaque point je le mets en lien avec ce qu’ils m’ont dit vouloir rechercher et à la fin je résume tous les points.
De là le manager me dit :
– Bon ben… vous avez anticipé pas mal de mes questions. Il en donne deux trois pour la forme et il me dit : Et vous, avez-vous d’autres questions ?
– Bah oui ! Alors… convaincu ?Il rigole et me dit que je ne suis pas la seule mais que déjà ce qu’il peut dire c’est que j’ai répondu à leurs attentes.
Et la suite est très drôle. Après avoir obtenu le poste je déjeune avec mon futur manager qui me dit :
– Bon, il faut quand même que je te dise que j’ai adoré tes entretiens. Et grâce à la question de la candidate idéale tu t’es démarquée. Je n’avais pas d’autres choix que de te répondre, et en même temps tu m’as séché !!! Je n’avais plus de questions !
– Bah normal j’ai répondu à tes attentes lors de la présentation de mon CV… »
Cette histoire est géniale, d’abord parce qu’elle finit bien 😀, ensuite parce qu’elle est un exemple de plusieurs incontournables en matière de communication.
- Définition de l’objectif
J’ai eu quelque fois l’occasion d’aider des personnes à préparer des entretiens de recrutement. C’est ma B.A. classique, que j’aime beaucoup parce les personnes en face de moi dans ces sessions ont particulièrement envie que cela réussisse ! Chaque fois je démarre par la question suivante, que connaissent par cœur tous ceux qui ont bossé avec moi : « quel est ton objectif ? »
La première réponse est souvent assez négative : « ben déjà qu’ils ne s’ennuient pas à mort en m’écoutant », « qu’ils ne se disent pas ‘elle est nulle celle-là !’ », « que je puisse aller jusqu’au bout de l’entretien, que je ne me mette pas à bégayer ou à dire n’importe quoi »… Je leur demande alors « ça, c’est ce que tu veux éviter. Moi ce que je te demande, c’est ton intention, ce que tu veux ? »
Assez rapidement, les personnes passent en positif et me disent quelque chose du genre :
– Ce que je veux, qu’ils me trouvent sympathique / compétent / agréable / intelligent ou bien qu’ils se disent que j’ai du potentiel.
– Je leur réponds : d’accord, mais s’ils disent tout ça et que tu n’as pas le job ? Est-ce que tu serais ok ?
– Ben non !
– Alors, qu’est-ce que tu serais vraiment heureux/heureuse qu’ils te disent à la fin ?
– Ben que c’est moi qu’ils veulent / qu’ils m’embauchent !
– Donc l’objectif c’est « vous convaincre ou vous donner envie de m’embaucher », c’est là-dessus qu’il faut te concentrer et c’est ça qu’il faut leur dire !
Quand Géraldine demande, assez vite au début de l’entretien, « quel est pour vous le profil de la candidate idéale », elle indique que son objectif est « vous convaincre que je suis la candidate idéale ».
Deux remarques par rapport à ce que je propose :
– Elle ne le dit pas directement
– Convaincre qu’on a le profil idéal ne veut pas forcément dire être embauché. Il y a encore ce que j’appelle un ricochet
… En tous cas elle prend la direction de l’entretien, sans que cela pose le moindre problème à ses interlocuteurs, et elle passe à l’étape suivante, le questionnement.
- La découverte des leviers
Sur cette partie, Géraldine est « au taquet » :
. Questionnement par rapport à son objectif
. Questionnement de l’un de ses interlocuteurs, puis de l’autre
. Questionnement commençant par la personne la plus importante, son futur manager
Point essentiel : la prise de note. Je suis encore ahuri quand je vois des gens poser des questions, creuser les réponses, recevoir des informations précieuses… et penser qu’ils sont capables de tout retenir. Je vous le dis joyeusement : personne ne le peut[1]. Prendre des notes, c’est montrer qu’on est attentif, c’est se libérer de la bande passante dans le cerveau pour mieux écouter, et c’est être sûr d’avoir toutes les bonnes infos sans friture sur la ligne.
- La réponse
Évidemment, une fois que vous avez trouvé tous les points qui vont convaincre vos interlocuteurs… c’est plus facile de les convaincre. Ce qui me frappe dans le récit de Géraldine, c’est qu’avec cette méthode elle a aussi trouvé le moyen de canaliser son énergie, qui est élevée 😀 ! Elle le dit elle-même au début de l’entretien : « j’ai tendance à être bavarde. » En sachant quels sont les leviers, et en ne répondant qu’à ces leviers, elle se facilite grandement la vie.
Pas besoin d’en rajouter (le fameux et traître « en plus… » qui ne correspond en général pas aux envies des personnes en face de vous), elle économise son énergie en étant pile poil dans la cible, elle embarque sans efforts et avec assurance son public.
- Les questions (ou ce qu’il en reste)
C’est peut-être le moment que je préfère dans son histoire. Le manager qui reste interloqué du fait de ne pas avoir plus de questions. Évidemment, puisqu’il a dit ce qu’il voulait ! 90% des formations « commerciales » continuent à parler du traitement des objections. Et je continue à répéter que si des objections apparaissent à ce moment-là, c’est que l’étape de questionnement a été bâclée.
- Le closing
Évidemment (oui je sais, ça a l’air facile… je vous promets que ça l’est une fois que vous intégrez la logique !) la conclusion logique de l’entretien, c’est de vérifier si vous avez atteint votre objectif. Ce que fait magistralement Géraldine, avec l’humour génial dont j’ai bien profité pendant nos sessions de boulot, en demandant directement « est-ce que je vous ai convaincu ? »
La réponse est classique : « vous n’êtes pas la seule, mais vous avez répondu à nos attentes ». Le job est fait ! Il est toujours possible qu’un candidat finisse par avoir le job. Mais cela ne dépend pas de Géraldine. Ce qui dépend d’elle, c’est d’avoir réussi à « bouger » ses interlocuteurs pour les amener le plus près possible de son objectif. Ensuite, advienne que pourra.
Bon, pour le fun, je propose quand même une réponse possible à celle du manager : « ok, je sais bien que je ne suis pas la seule, mais ici et maintenant, est-ce que je vous ai convaincu que j’ai le bon profil ? » Ou bien si vous avez assumé l’objectif « vous donner envie de m’embaucher » : « ok, je sais bien que je ne suis pas la seule, mais ici et maintenant, est-ce que je vous ai donné envie de m’embaucher ? » La dernière fois que j’ai utilisé cette question en entretien commercial, la personne a ri et a répondu : « ici et maintenant…c’est sûr que vos confrères ont intérêt à être bons ! »
J’ai plein d’autres exemples de personnes ayant utilisé cet état d’esprit et ce processus pour obtenir un job. Avec cet article, j’espère vous avoir donné suffisamment de détails pour vous convaincre de tester !
En général, les personnes avec qui je travaille commencent par me dire : « on n’a jamais fait comme ça, on peut pas faire comme ça ». Ce à quoi je leur réponds joyeusement : « tu ne veux pas faire comme ça pour l’instant, justement parce que c’est nouveau. Et je t’en remercie chaleureusement, parce que si c’était si simple de changer de comportement, il faudrait que je fasse autre chose ! »
A la fin d’une session de travail, le plus beau compliment pour moi, c’est : « ça a l’air tellement simple, pourquoi je n’y ai pas pensé plus tôt ? » Et peut-être que je suis encore plus touché quand des personnes comme Géraldine sortent les outils d’un contexte pour les utiliser dans un autre, et obtenir ce qu’elles veulent.
Si vous avez bossé avec moi et que cela vous rappelle des souvenirs, des choses que vous avez testées, por favor racontez-le dans les commentaires ! Et si vous n’avez pas encore bossé avec moi, et que vous avez des questions, por favor posez-les (toujours dans les commentaires 😀) !
J’adore l’intelligence artificielle, elle nous dégage du temps pour se parler entre vrais gens.
Abrazo a todos,
Aurélien
[1] George A. Miller, « The Magical Number Seven, Plus or Minus Two: Some Limits on Our Capacity for Processing Information »,Psychological Review 63, no. 2 (1956): 81–97
Nelson Cowan, « The magical number 4 in short-term memory: A reconsideration of mental storage capacity » Behavioral and Brain Sciences 24 (1) (2001) :87-114
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