« C’est une galère »

C’est dur, c’est compliqué, c’est sans fin… c’est la « galère ». Dans la longue liste des expressions qui font de nous des objets, celle-ci me frappe particulièrement : les galères, c’est le symbole d’un châtiment terrible, proche de la mort.

La France est le pays qui a le plus utilisé cette forme de travaux forcés : dès le début du XVIème siècle, pendant tout l’Ancien Régime, avant de les remplacer par les bagnes à partir de 1748. Pas étonnant que le mot soit passé dans le français courant - en Italie, où les républiques de Gênes et de Venise y ont eu également recours, le mot est uniquement synonyme de « prison ».

Dans notre inconscient collectif, les galères sont une sorte de peine ultime, juste en-dessous de la peine capitale. Le Commissaire général des galères, Jean-François de Rozel, écrivait au XVIIIème siècle que c’était « la plus rude de toutes les peines si on excepte la mort », raison pour laquelle les femmes en étaient exclues.

Pas étonnant que Géronte lui-même sacrifie 500 écus pour faire libérer son fils qu’il croit prisonnier sur une galère turque ! Sa lamentation (« que diable allait-il faire dans cette galère ! ») nous fait rire dans les Fourberies de Scapin, à l’époque elle évoquait une terreur bien réelle…

Plus près de nous, Aristide Bruant popularise fin XIXème la chanson du galérien, et les galères deviennent le symbole du châtiment injuste :

« J'ai pas tué, j'ai pas volé
Mais j'ai pas cru ma mère
Et je m'souviens qu'elle m'aimait
Maint’nant qu'je rame aux galères »

Invoquer les galères quand nous sommes dans une difficulté, c’est nous imaginer condamnés injustement au pire des châtiments, avec un épuisement total, des violences permanentes et un risque de mort prochaine.

C’est sans doute – et heureusement ! – une exagération… comme d’ailleurs les mots « c’est un calvaire », qui eux font référence à la Crucifixion. Mieux vaut dire « c’est dur » ou « c’est pénible » et rester plus optimistes sur nos chances de trouver une issue.