Pour bien communiquer, il faut (aussi) savoir se taire

Mar 19, 2022
Pour bien communiquer, il faut (aussi) savoir se taire - Aurélien Daudet

Bonjour à tous,

 

Aujourd’hui je veux vous parler d’une des qualités les moins bien répandues en matière de communication : les silences. Et je sais de quoi je parle en vous disant cela : j’ai une immense difficulté à me taire plus de 15 secondes lorsque je suis en train de discuter avec quelqu’un. 

 

 

 

 

Pendant des années, j’ai vu la communication comme une bataille, à celui qui aurait le dernier mot. Noyer l’autre sous un flot de paroles, répondre du tac au tac, finir les phrases de mon « adversaire », sauter sur le jeu de mots, autant de moyens de gagner du terrain jusqu’à ce que la personne en face de moi baisse pavillon avec un « ok » évidemment peu convaincu.

 

 

Mécaniquement communiquer me demandait un effort physique et intellectuel important ! Je voyais la prise de parole comme un sport de combat, dans lequel il fallait être vif, rapide, brillant… Dans ma carrière de comédien, j’ai joué de nombreux monologues, comme si le « seul en scène » était une manifestation extrême de mon besoin de tout contrôler dans la communication. 

 

 

Évidemment tout ceci est faux, et il m’a fallu des années pour m’en rendre compte. Aujourd’hui, je sais que la communication est une danse, la rencontre de deux énergies pour aller dans une direction qui soit positive pour chacun. Et pour que le rythme de cette danse soit harmonieux, il faut qu’il y ait des silences.

 

 

Beaucoup de personnes avec qui je travaille ont peur des silences parce qu’elles les voient comme des temps morts, du vide qu’il faudrait absolument combler. En réalité, silences et temps morts n’ont strictement rien à voir : le silence est volontaire, il est toujours lié à mon intention, et il fait partie intégrante de ma communication. Alors que dans un temps mort l’un au moins des interlocuteurs s’est éteint, il est mort au sens où je n’ai plus en-vie de quoi que ce soit. Je suis apparemment là, mais en fait ailleurs.

 

 

La manifestation extérieure de cette différence : dans les silences, les regards sont toujours connectés. Comme dans un échange amoureux, ou dans l’échange de regards entre un parent et un nourrisson ! On ne peut pas vraiment dire quand dans ces deux exemples, l’intensité vienne de la richesse des dialogues…

 

Quelques points techniques maintenant sur l’immense utilité des silences dans la communication :

 

1- Le silence invite l’autre à parler. Si je me tais, tout en restant en lien avec l’autre par le regard, je lui indique que je suis attentif, à l’écoute. Le silence, c’est le moyen le plus efficace d’obtenir des informations sur ce que veut, pense, comprend son interlocuteur. Nettement plus que de le bombarder avec notre vision de la réalité et de lui demander ensuite ce qu’il en pense. Nous ne saurons pas ce qu’il veut, nous n’aurons que sa réaction à notre désir.

2. Le silence montre que vous avez compris. Votre interlocuteur aborde un point, vous donne une information. Reprenez cette information, parfois avec une légère paraphrase : « ok, donc ce que vous me dites, c’est que… » et ensuite faites un silence. Si vous avez bien appliqué le point n°1, votre reformulation sera correcte, et votre interlocuteur appréciera de voir que vous êtes avec lui, dans son cadre de référence.

3. Le silence renforce ce que je viens de dire. Pour montrer que leur cerveau fonctionne, beaucoup de personnes se sentent obligées de dire une chose… et de la répéter dans la foulée avec d’autres mots. La deuxième version commençant par exemple par « en d’autres termes », « plus concrètement », ou d’autres adverbes inutiles. Souvenez-vous de la dernière fois où vous avez dit « je t’aime » à quelqu’un. Est-ce que vous vous êtes sentie obligée d’enchaîner avec « parce qu’en réalité », ou bien avec « c’est-à-dire en fait que… » 😀 ?

4. Le silence repose la voix. Les points, les vrais points, ceux où la voix redescend en fin de phrase, nous servent à respirer. C’est le moment où nous avons une ou deux inspirations-expirations pleines, ce qui va détendre nos épaules, notre diphragme, et nos cordes vocales. Notre voix va revenir dans son medium, sa note moyenne, notre instrument revient à l’équilibre et sonnera juste dans les prochains échanges.

 

 

Si nous ne faisons pas de vrais silences, la respiration va se dérégler, notre voix va monter dans les aigus, et/ou son volume va diminuer, et à force notre visage va se tendre. Parfois nous allons même avoir des tics tels que de petits claquements de langue, des raclements de gorge, des « euh… » qui sont en fait des trucs utilisés par le corps pour récupérer une petite goulée d’air !

 

 

Aujourd’hui encore, les quelques fois où je rate un deal, quand je repasse le film je me rends compte que c’est toujours parce que je n’ai pas assez écouté les personnes en face de moi – et donc que je n’ai pas accepté de rester silencieux.

 

 

Le silence, les silences, sont une partie essentielle de notre communication. Plus nous y serons attentifs, plus nous les utiliserons, plus nous obtiendrons des informations sur le cadre de référence de l’autre, plus nous lui montrerons notre vrai visage, et donc plus nous créerons des relations authentiques.

 

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