Les deux règles fondamentales pour définir ses objectifs

Jun 05, 2022
Les deux règles fondamentales pour définir ses objectifs - Aurélien Daudet

Cette semaine j’ai pris du retard pour écrire ma chronique. D’abord parce que j’ai eu une crève monumentale, ensuite parce qu’il fallait vraiment que j’avance sur le système d’irrigation des fruitiers et enfin parce qu’un ami m’a apporté deux ruches. Un magnifique cadeau, mais une demi-journée de travail pour bien les installer et prendre ma première leçon.

 

Du coup, hier soir je râlais en pensant que je m’étais mal organisé, que je ne serais pas capable de faire mon article à temps, que j’étais nul… Un tunnel classique de pensées négatives, critiques, que vous connaissez peut-être, et que je parcours encore assez régulièrement dès que j’ai l’impression que je ne fais pas « ce qui était prévu », que je que je ne suis pas mon plan et que je n’atteins pas mes objectifs (à cinq ans, à un an, un mois, une semaine…).

Règle n°1 : Est-ce que ces pensées te sont utiles ?

Pour ressortir de ce « trou », j’ai commencé par appliquer une règle que j’ai apprise de David del Rosario, ce chercheur en neurosciences dont je vous ai déjà parlé[1]. Je me suis demandé : « est-ce que ces pensées me sont utiles ici et maintenant ? » Réponse, non, évidemment. Et j’ai constaté que le seul fait de me dire que ces pensées critiques ne m’étaient pas utiles… les a fait disparaître. J’ai commencé à voir la situation sous un autre angle… parce que mon cerveau m’a proposé d’autres pensées.

La réflexion qui est arrivée le plus vite, et le plus fort, portait sur la manière dont je fixais mes objectifs. Au lieu de « tu n’es pas capable de tenir tes engagements, même s’il s’agit simplement de publier un article par semaine à la même heure », je me suis dit « est-ce qu’il est vital pour moi que mon article soit publié le dimanche matin ? » Et je me suis souvenu à ce moment-là d’un échange que j’ai eu justement mercredi dernier avec David del Rosario, dans un workshop intitulé « del miedo a la confianza », « de la peur à la confiance ».

Dans cet atelier, David del Rosario nous a montré comment nos peurs sont liées pour l’essentiel au fait que nous considérons notre vision du monde comme une représentation fidèle de la réalité. Alors qu’en fait nous n’en avons qu’une image TRES partielle. Nos sens ne peuvent nous fournir que 5% d’une situation, et sur ces 5% nos capacités d’attention limitées ne vont garder que 10%. Donc nous construisons notre analyse immédiate, puis nos souvenirs, avec seulement 0,5% de la réalité. Cela devrait déjà nous inciter à être beaucoup plus humbles lorsque nous pensons avoir raison…

Notre cerveau cherche en permanence à nous proposer une vision cohérente de notre monde, même si c’est à partir d’une réalité tronquée, filtrée à 95,5%. Et il y a un domaine dans lequel ce processus est particulièrement risqué : la prévision. Nous continuons à voir le temps comme une ligne droite, avec le passé à gauche et le futur à droite. Toujours dans cette vision linéaire, le présent n’est qu’un point entre le passé et le futur. Or depuis Edward Lorenz et sa théorie du chaos (ou sa version grand public baptisée « l’effet papillon »), nous savons qu’en réalité la vie est un processus non-linéaire, extrêmement dépendant des conditions présentes. Dès que nous essayons de faire des prévisions trop lointaines, leur validité diminue, parce qu’au fur et à mesure de nouvelles données viennent se rajouter.

Quand nous regardons les prévisions météo à 5 jours, nous savons bien qu’elles sont assez peu fiables, et qu’il vaudra mieux retourner vérifier ces prévisions un ou deux jours avant de partir en promenade… Pourtant, lorsque nous nous fixons des objectifs pour les prochains mois, nous les gravons dans le marbre, et nous gardons les yeux rivés sur cette cible – alors qu’elle est chaque jour un peu plus éloignée de la réalité ! 

Règle n°2 : Gardons nos objectifs vivants

Au lieu de piloter notre vie en regardant le passé (c’est-à-dire une version réinterprétée de notre histoire par notre mémoire) ou en fixant notre attention sur le futur, nous ferions mieux d’être beaucoup plus focalisés sur l’ici et maintenant et de raccourcir notre horizon de prévision au maximum.

Et là… c’est le moment où j’ai « craqué » 😀. Tout ce que disait David me paraissait évident, et pourtant le « gap » avec ma méthode actuelle était trop important. Je n’arrivais pas à réconcilier les deux. Du coup je lui ai posé la question suivant (en gros) : « est-ce que tu es en train de me dire que pour diriger ma vie professionnelle et mon business, il est inutile de faire des prévisions ? Il faudrait que j’abandonne mon habitude de me fixer des objectifs ? Et il me suffirait de m’asseoir sur un banc devant chez moi, en me laissant porter par le courant de la vie ? »

J’ai adoré sa réponse. Pour lui, « l’objectif n’est pas le méchant du film. Le problème, c’est que nous rattachons notre bonheur à nos objectifs. Ce que nous devons faire, c’est garder nos objectifs vivants. Je dois être prêt à lâcher mon objectif si les conditions actuelles changent. Et ne pas avoir l’impression d’un échec lorsque j’abandonne la première version de mon objectif ! » 

Le vrai échec, la vraie erreur, ce serait de nous opposer au mouvement de la vie, et de vouloir garder à tout prix notre vision, fixée dans le passé, de notre objectif. Quand nous avons décidé de tel ou tel objectif, avec les conditions du moment, nous pensions que la réalisation de cet objectif nous rendrait heureux. Et justement nous le pensions ! Ce qui signifie que nous n’en étions pas certains – c’est là encore une image mentale. D’ailleurs combien de fois avons-nous été déçus par l’atteinte d’un objectif, en nous rendant compte que cela ne nous procurait pas un bonheur aussi intense que nous l’avions imaginé ?

Je peux donc à chaque moment renoncer à tel ou tel objectif, ou le modifier, sans me sentir pour autant victime, ou coupable. L’objectif est un outil, utile au pilotage de notre vie. Mais notre erreur est de transformer cet outil en la condition de notre bonheur. Continuons à nous fixer des objectifs, mais très régulièrement vérifions si les conditions n’ont pas changé – elles auront forcément changé. Si ces changements sont trop importants, alors réévaluons nos objectifs.  

Lorsque nous adaptons nos choix, nos décisions, nos objectifs aux changements du monde qui nous entoure, cela ne veut pas dire que nous avons fait une erreur. Cela signifie simplement que nous avons pris conscience que la vie n’est pas un processus linéaire. Vouloir avoir raison contre la vie est une attitude évidemment vouée à l’échec.

[1] Dans un article récent : « Le paradoxe de la médaille d’argent… ou comment entraîner notre cerveau ! »

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