L’adversaire ça n’est pas la personne en face de vous…

Jan 23, 2022
L’adversaire ça n’est pas la personne en face de vous… Aurélien Daudet

Chris Voss est un ancien du FBI. Il a dirigé plusieurs équipes spécialisées dans les prises d’otages, en particulier à l’international. Je l’ai découvert sur une plateforme que j’aime beaucoup, et que je vous recommande, MasterClass (www.masterclass.com).

 

 

Ce livre et cette MasterClass sont des mines d’or, avec des principes souvent contre-intuitifs, mais en fait de bon sens, avec en plus un grand nombre d’exemples très convaincants, et des techniques simples pour une mise en pratique immédiate.

 

 

Aujourd’hui je veux revenir sur l’un de ses principes. Si vous êtes en conflit avec quelqu’un, partez du principe que l’adversaire n’est pas cette personne, mais qu’en réalité vous avez tous les deux un adversaire commun : la situation. Et que pour sortir d’un blocage, le plus important c’est justement d’arrêter de voir la négociation comme une guerre dont l’un de nous deux va sortir vainqueur. Nous devons nous allier et travailler ensemble pour réussir à dénouer un blocage qui nous est néfaste à tous les deux.

 

 

Prenons un exemple (celui-ci est de moi, pas de Chris Voss 😀 !) Vous êtes une créatrice d’entreprise, une indépendante et un client potentiel vous reçoit. Vous faites votre « présentation » classique… et ce client vous dit (ou vous montre) qu’il n’est pas intéressé par ce que vous proposez.

 

 

Au lieu de penser « ça y est, c’est fichu, je n’arriverai jamais à le convaincre », vous pourriez vous dire :

 

 

« En fait, nous sommes tous les deux coincés ! Ce prospect a accepté de me recevoir, après que je lui ai envoyé quelques éléments me concernant. Cela veut bien dire qu’il y a des choses qui potentiellement l’avaient intéressé, au moins qu’il cherche des solutions à certains de ses problèmes ! Et moi de mon côté, je suis coincée parce que j’ai des choses à lui vendre, mais pour l’instant je n’ai pas trouvé ce qui justement pourrait lui être utile – et je continue à le bombarder avec ce qui, vu de ma fenêtre, serait le mieux pour lui ! »

 

 

Vous pensiez être la seule frustrée par cet entretien, par cette situation qui n’avance pas ? En fait, il est hautement probable que le prospect en face de vous soit lui aussi frustré : il vous a accordé du temps, il venait avec des envies, et pour l’instant lui aussi se demande ce qu’il fait là, et comment faire pour s’en sortir…

 

 

Si vous ne changez pas rapidement de stratégie, la solution qu’il va sans doute choisir dans très peu de temps sera quelque chose du style : « ok, merci d’être venue, c’était intéressant… Envoyez-moi une proposition, et je reviendrai vers vous quand je l’aurai étudiée ? » C’est une solution facile, rapide, connue, mais ce n’est pas la solution optimale pour ce client. La preuve, il sortira quand même frustré de cet entretien, en se disant qu’il a perdu son temps.

 

 

Donc il est possible de trouver une solution qui soit plus favorable à tous les deux. Première étape, commencez par changer votre point de vue sur ce qui est en train de se passer. Adoptez la « Chris Voss Attitude », constatez que vous êtes tous les deux « coincés » par la situation. Ensuite, dites-le à la personne en face de vous !

 

 

– J’ai l’impression que notre conversation n’avance pas, un peu comme si nous étions coincés tous les deux – qu’en pensez-vous ?
– C’est vrai que pour l’instant je ne vois pas trop d’issue, mais peut-être que le plus simple c’est que vous m’envoyiez des documents et que je vous rappelle ensuite ?
– Ou bien ce que nous pouvons faire, c’est trouver une solution qui soit positive pour tous les deux, ici et maintenant. J’ai l’impression que si les choses n’avancent pas, c’est que pour l’instant je n’ai pas bougé de ma position. Je n’ai fait qu’une seule chose : vous bombarder avec mes idées, mes propositions, mes compétences, mes produits, sans avoir pris le temps d’explorer ce que vous voulez. Qu’en pensez-vous ?
– Et bien… c’est sûr que pour l’instant c’est plutôt vous qui parlez !
– Justement, c’est ça que je vous propose de changer, pour débloquer notre conversation et l’emmener jusqu’à un point qui nous convienne à tous les deux. Je vais commencer par mettre toute mon attention à vous écouter pour comprendre votre vision de la situation.

 

 

Vous allez mettre toute votre énergie dans ce questionnement et cette écoute au lieu de chercher à « forcer » le passage, en bombardant la personne en face comme dans une guerre de tranchées. Vous et votre client potentiel allez tous les deux explorer la situation ensemble, en même temps, un peu comme si vous vous étiez décalés pour l’observer de l’extérieur, et que vous en discutiez assis l’un à côté de l’autre.

 

 

Ça n’est pas seulement une image : dans ma formation en Analyse Transactionnelle j’ai appris cette technique pour la résolution de conflits. Après avoir exposé nos arguments, nous nous levons, nous prenons deux nouvelles chaises que nous mettons sur le côté, et nous nous asseyons avec l’« adversaire » pour décrire ce qui vient de se passer dans les chaises vides où nous étions assis il y a deux minutes. Et à chaque fois un effet « magique » se produit : nous commencions à comprendre le point de vue de l’autre…

 

 

La plupart du temps, lorsque nous sommes bloqués dans une situation avec un interlocuteur, notre réaction est de forcer l’autre à rentrer dans notre cadre de référence, à voir le monde avec nos yeux. Plus nous allons mettre d’énergie dans ce mouvement stérile, plus nous allons nous fatiguer, monter en tension, sortir frustrés.

 

 

L’autre possibilité, c’est de voir la situation comme l’adversaire, et de voir la personne en face comme un allié potentiel pour sortir du blocage. Je vous conseille de faire ce pas de côté, de le dire à haute voix à la personne en face de vous, pour l’inviter à regarder la situation avec vous, sous un angle totalement différent.

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